Cher Journal,

C'est bien comme ça que l'on commence, non ? Excuse mon ignorance, tout ces trucs de journaux et de secrets c'est pas vraiment mon truc. D'après mes faibles connaissances en ce domaine, je pense qu'il faut que je commence par me présenter. Chose stupide puisque personne ne te lira jamais à part moi, et jusqu'à preuve du contraire, je ne suis pas amnésique ou atteinte Alzheimer. Mais je vais me plier aux traditions. Sans ronchonner... Je m'appelle Amarante Callaway. Amarante, c'est le nom qu'a choisit ma mère à ma naissance. Elle voulait un nom typiquement grecque. Mais les gens m'appelle Jane. C'est mon deuxième prénom. Nettement plus simple, très passe partout. Je préfère largement.

Comme je le disais un peu plus haut, je ne suis pas vraiment emballée par l'idée de devoir tenir un journal intime. C'est comme si je retombais à l'époque de mes douze ans, sauf qu'aujourd'hui j'en ai vingt-et-un et je suis plus mature. C'est Papa qui m'a légué ce petit carnet. Maman, quand à elle, m'a laissé un collier que je n'avais jamais vu auparavant. Un sorte de gouttelette de pluie de la taille d'un moyen caillou. Comme une perle en verre très fragile rattachée à une fine chaîne en argent. Ils tout les deux morts il y a six mois dans un violent accident de voiture. Ce sont les deux seules choses qu'ils me restent d'eux, en plus de la maison et du superbe miroir au dessus de la cheminée, qui orne la grand pièce du salon. Ils voulaient que toutes ces choses me reviennent et que j'en prenne le plus grand soin.

Citation :

Ma chérie,
Si tu lis cette lettre, c'est que malheureusement ton père et moi ne sommes plus de ce monde. Sèche tes larmes et va de l'avant. Ce n'est qu'un obstacle douloureux à passer, et nous savons que tu pourras le surmonter. Tu as toujours été une fille forte, digne et entreprenante. Rien ne pourra te résister.
Garde toujours près de toi ce collier que je t'ai confier. Prends-en soin et porte-le : il te protègera. Quoi qu'il arrive, nous serons toujours près de toi, Jane.
Ne doute jamais de notre amour, et ne laisse personne te détruire.
Fais très attention à toi, ouvre les yeux et méfie toi ; le bien n'est pas souvent où l'on penserait le voir.
Papa et Maman qui t'aiment.

Cette lettre me paraissait et me parait encore très mystérieuse. Comme si mes parents m'alertaient d'un danger imminent, tout en utilisant diverses métaphores pour masquer le vrai sens de l'histoire. Je me souviens encore des histoires que me racontaient mes parents quand j'étais petite... Ces contes de fées où la princesse épouse son prince après de multiples périples au Royaume Enchanté. Malgré ma réticence au surnaturel, je portais le bijou, comme me l'avaient demandés mes parents. Sans grande conviction que celui-ci eut quelconque effet sur moi comme sur les autres.

Puis ce soir arriva. Il devait être aux environs de dix heures du soir et une douce brise de mai soufflait sur Mercy Falls. J'étais installée sur le rebord d'une grande baie vitrée de mon salon et avait une vue imprenable sur tout le quartier. En cette fraiche soirée printanière, il n'y avait pas énormément de monde dehors. Un couple assis sur un banc, une vieille dame qui jetait une pièce dans la fontaine et formulait un souhait, une voiture garée sur le bas-côté de la rue et qui attendait patiemment. Puis le ciel s'assombrit très rapidement. Il se mit bientôt à pleuvoir des cordes et un violent orage éclata. Dehors, des tourbillons d'eau jonchaient le sol et le brouillard sema la zizanie dans les rues. Bientôt la foudre s'abattit sur Mercy, et illumina la ville durant un très court instant. La baie vitrée du salon vola en plusieurs milliers de particules et je me retrouvais projetée contre le sol. Le miroir de grand-mère se décrocha et se brisa au sol dans un vacarme énorme. Je vis alors un éclair franchir le seuil de la maison et foncer droit vers moi. La seconde d'après, la ville fut plongée dans un chaos total, et ce pour le reste de la nuit.

A mon réveil, j'étais par terre, allongée sur un tas de débris et de bouts de verre. J'étais affolée, et mon premier réflexe fut instinctif : je touchais le collier que j'avais autour du cou. Celui-ci était brûlant et scintillait de milles-feux. Comme si un éclair l'avait pénétré et y avait été sauvagement emprisonné. Enfin, je me relevai avec difficulté puis constatais avec effarement que le miroir de grand-mère était accroché au mur. Aucune rayure, rien qui ne puisse faire suspecter de ce qui c'était produit la veille... J'étais pourtant persuadée qu'il avait volé en éclat, et je peux encore l'assurer aujourd'hui. Depuis cette nuit, j'ai l'impression que quelque chose à changer. Mon collier n'est plus aussi transparent que de l'eau fluide, mais bien lumineux et scintillant; des éclairs ne cessent de se battre en son coeur... Papa, Maman, qu'est-ce qu'il se passe ?